Le Monde 1993: La Place des Fêtes enfin réaménagée

LA PLACE DES FÊTES ENFIN RÉAMÉNAGÉE

Les habitants de Belleville vont bénéficier d'un embellissement de leur quartier
Le Monde - 26/09/1993 - 1 page

PERCHÉE sur les hauteurs de Belleville, hérissée d'un bouquet de tours bien visibles du périphérique, la place des Fêtes est un des symboles des ratés de l'urbanisme des années 60 et 70. Sur une vaste zone appelée " secteur de rénovation ", on a construit ici, entre 1957 et 1978, le plus grand ensemble de la capitale : 17 000 habitants vivent dans des HLM aujourd'hui dégradées mais aussi dans des logements intermédiaires ou bourgeois.

Symbole de batailles urbaines et des relations entre la Ville et les associations, la place des Fêtes a vu défiler bien des projets. En 1989, Jacques Chirac fait de son réaménagement une priorité. Un concours international est lancé qui aboutit à la sélection de l'équipe de l'architecte Bernard Huet à qui l'on doit aussi le réaménagement de la place Stalingrad et celui des Champs-Elysées. Les travaux viennent de démarrer ; ils devraient s'achever fin 1994, les dernières plantations étant prévues au printemps 1995.

Un terrain de Belleville La place des Fêtes a un nom chargé de promesses, et pourtant il y fait si froid que certains l'appellent " la place à courants d'air ". Elle comporte deux parties bien distinctes, correspondant à deux moments de l'histoire locale. A l'est, au pied des tours, une esplanade un peu triste, avec ses carrés irréguliers de béton et de macadam. A l'origine de la rénovation, une dalle piétonne était prévue, mais le projet avorta faute de crédits. Le parking souterrain fut toutefois conservé, d'où nombre de rampes d'accès, sorties, et ventilations, mal cachées par de maigres buissons. Sillonnée de vélos et de poussettes par beau temps, la place est un incessant lieu de transit, vers la poste, le supermarché, les commerces. Trois fois par semaine, un marché apprécié des habitants l'anime. Le soir la rend aux dealers et autres indésirables.
Situé à l'ouest de la place, en contrebas, le square Monseigneur-Maillet se rattache à un autre morceau de l'histoire locale, celui de la commune de Belleville, qui couvrait jadis les 19 et 20 arrondissements. En 1835, Belleville acquiert, pour ses fêtes, un terrain non loin du centre et de la rue principale (l'actuelle rue de Belleville). Aménagé à la fin du siècle, avec de belles plantations et un kiosque à musique, il est bordé de deux entrées de métro. Ajoutons à ces deux éléments une fontaine signée Marta Pan. Installée à côté du square en 1988, conçue comme le point de départ d'un projet vite remballé, elle est aussi intouchable que le square ou le marché... mais pour d'autres raisons. Mal intégrée à la place dans son état actuel, elle est l'objet de dégradations chroniques. Bernard Huet a tenté d'organiser cet assemblage hétéroclite. Rien de bien spectaculaire : l'essentiel des travaux portera sur le sol, qui sera nivelé et revêtu de beaux matériaux (granits clair et foncé).
Au pied des tours, une vraie place sera recréée, sous forme d'un rectangle de briques de terre cuite (40 m x 50 m) bordé de quelques marches, tandis que deux grands axes est-ouest et nord-sud seront dessinés. Bien sûr, le square demeure. Agrandi et retravaillé, il s'inscrira dans la nouvelle géométrie de la place, soulignée par quelques rangées supplémentaires de grands arbres et par un système d'éclairage sophistiqué.

L'autre souci de l'architecte a été de redonner une échelle à la place, de créer des relais entre le piéton et les tours. Les commerces de pied d'immeuble seront reliés par un élégant portique métallique. Une ombrière sera installée près de la fontaine. Enfin, des gradins seront construits pour encadrer le nouvel espace central. L'architecte les avaient imaginés en dur, mais des commerçants se sont inquiétés de la gêne visuelle et de la venue probable de visiteurs indésirables. Du coup, seul un talus engazonné, et protégé, verra le jour. Ce compromis, temporaire selon la mairie, risque hélas de ne satisfaire personne.
Le recalibrage des voiries périphériques attendra lui aussi, en raison de son coût. Le restant du projet, estimé à 57 millions de francs, dépasserait déjà les limites fixées.

Point d'orgue du réaménagement : un " monument " doit prendre place au centre de l'esplanade recomposée. Créé par le sculpteur hongrois Zsako Zoltan, il aura une forme géométrique, entre l'obélisque et la pyramide (15 m de haut, 5 m de large), et sera couvert de reliefs célébrant la fête. La maison de quartier Masquant une sortie de parking, le monument sera aussi un phare éclairant la nuit, un signal. Certains s'interrogent sur le bien-fondé de l'obélisque, d'autres ont des soucis sécuritaires (d'où un travail renforcé sur les éclairages), d'autres enfin renâclent contre le déplacement du marché...
Hormis ces quelques critiques ponctuelles, le projet Huet séduit par sa sobriété et son élégance.

Seul véritable point noir, la maison de quartier tant attendue par Jean Reby, le fondateur et délégué général du groupement des associations de la place des Fêtes (1), n'est toujours pas à l'ordre du jour. Insistant sur les liens entre les histoires urbaine et associative, ce dernier rappelle les vieilles promesses, les échanges de lettres, les négociations, et surtout la venue de Jacques Chirac, place des Fêtes, juste avant les municipales de 1989. Le maire avait alors tout remis à plat, et _ fait unique dans les annales de Paris _ débloqué 100 000 francs pour que l'association étudie le dossier du réaménagement. Ce rapport, la Ville s'en est servi pour organiser le concours d'architecture de 1991. " Mais, regrette Jean Reby, nous avons été marginalisés peu à peu par la puissance de la Ville. "
http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1993/09/26/paris-urbanisme-la...

Précision 

LE MONDE | 03.10.1993
A la suite de l'article sur le réaménagement de la place des Fêtes (le Monde daté 26-27 septembre), nous avons reçu la précision suivante de Bernard Huet, architecte du projet : " La Ville de Paris n'a jamais passé commande d'une oeuvre d'art monumentale au sculpteur Zoltan Szako. La structure de métal et de verre qui occupe le centre de la place fait partie du projet architectural et, en tant que telle, a été entièrement conçue et mise au point par l'équipe Bernard Huet associée au bureau d'études ARCORA. La fonction essentielle de cette structure est de masquer des ventilations et une sortie du parking. En outre, elle servira de signal lumineux pour valoriser le centre de la place. 
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/archives/article/1993/10/03/precision_3943560_1819...